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Polar en Champagne

Rouque 9. Paradis pour un privé, 2019

Privé 9

 

 Le Pythagore Editions 2018 - 16 x 24 cm - ISBN: 978-2-37231-065-9 - 19 € - 190 pages

Retour en Champagne pour Didier Rouque.

Dans une petite ville de province, on tue et on dérobe des statues religieuses sans valeur.

Quel rapport peut-il exister entre un ancien banquier, un avocat à la retraite, une prof de chimie, un chef d'entreprise inexplicablement disparu et un officier surgi du passé?

Devant ces mystères et toutes ces statues, Didier Rouque ne restera pas de marbre.

 

Extrait du roman

Je me levai assez tôt le lendemain matin et allai courir un peu parmi les vignes. Je fis pratiquement le même parcours que celui que j'empruntais des années auparavant. Au faîte de la colline, je m'arrêtai et m'assis sur une pierre de bornage pour souffler un peu. Mon regard embrassait une bonne partie de la vallée. J'avais fini par oublier combien la vue était belle d'ici. Fraîchement taillés, les pieds de vigne se présentaient sous forme de rangées de squelettes débarrassés de leurs sarments. En bas, le village sortait peu à peu de sa torpeur et l'eau du bief miroitait doucement sous les timides rayons du soleil. Plus loin à gauche, une voiture de couleur verte se dirigeait vers Valentières.

J'avais bien fait d'accepter la proposition de Verriez, finalement. Rien à faire pendant un jour ou deux, rien à réfléchir, uniquement me repaître de calme, d'odeurs et d'images… et de champagne, aussi. Je me rendais compte que les deux endroits au monde où je me sentais le mieux, c'était au milieu de ce vignoble et dans la douce quiétude du gîte du Vieux Page dans les bras de ma tendre Pauline. Excepté mon appartement dans le onzième, bien sûr…

J'aurais aimé rester un peu plus longtemps, mais je me refroidissais rapidement et me mis à frissonner. Les matinées étaient encore fraîches en cette saison et je ne portais qu'un mince tee-shirt. En outre, le temps se couvrait et quelques gouttes de pluie recommençaient à tomber. Je finis par me lever et redescendis par le même chemin. A moitié congelé, j'allai prendre une douche bien chaude et gagnai le réfectoire. Je préparai le café en attendant mes hôtes et disposai des tasses sur la table.

La veille, nous avions fini la soirée ainsi que l'avait proposé Verriez. En pleine semaine, il y avait peu de monde au Grand Cercle. Seules deux tables étaient occupées par quelques courtiers en costume et Ludovic se morfondait derrière son bar en pianotant sur sa tablette. De son côté, Chris Beltram caressait les touches de son piano d'une main distraite, hésitant manifestement sur le morceau à jouer. Notre arrivée tombait à point nommé pour faire diversion. Comme prévu, Chris avait absolument tenu à faire le bœuf avec moi. Mes excuses et mes protestations n'y avaient rien changé. Il avait déniché un saxophone dans la réserve attenante et nous nous étions fendus de quelques standards du be-bop avant de retourner à nos verres. Les courtiers, ravis du concert improvisé, avaient absolument tenu à nous offrir à boire. Nous étions rentrés vers une heure du matin. Chris voulait nous faire promettre de revenir le prochain soir. Il rameuterait ses copains musicos pour la circonstance. Mais je lui avais expliqué que je rentrais à Paris demain dans le milieu de l'après-midi.

Paul Chanois fut le premier à faire son entrée dans la pièce, un sachet de croissants à la main, suivi de près par Jeff Verriez, lui aussi chargé de viennoiseries. Je me mis à rire.

- Vous croyez que c'était nécessaire d'acheter tout ça? Vous avez pensé à mon régime?

- On dirait qu'on a eu la même idée, Paul et moi. Et ce n'est pas à ton âge que l'on fait du cholestérol. Au pire, tu courras un kilomètre de plus demain matin.

J'en étais à ma première tasse et mon premier pain au chocolat, lorsqu'un téléphone sonna. Paul Chanois se leva pour aller chercher son portable dans la poche de son blouson accroché à une patère. Il écouta quelques instants, répondant par de rares onomatopées. Il termina par un "D'accord, j'arrive" et coupa le contact. Il revint vers nous et se laissa tomber sur sa chaise. Son visage était blanc comme un linge, il était au bord des larmes. Verriez leva le nez de sa tasse.

- Des ennuis, Paul?

- C'était ma sœur. Elle est à Vendeuvre. Notre mère a eu un accident. Elle est… décédée.

Puis il se mit à pleurer.

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